Sondage #2: L’impact de la pandémie de COVID-19 sur les dons et la philanthropie au Québec

Sondage #2: L’impact de la pandémie de COVID-19 sur les dons et la philanthropie au Québec

22 février 2021

En bref

Durant les 6 derniers mois de 2020, les Québécois ont confirmé la générosité dont ils avaient déjà fait preuve au premier semestre. Le nombre de donateurs est passé de 71% à 76%. Ainsi, 3 sur 4 ont fait un don à une ou plusieurs causes sociales, communautaires ou humanitaires depuis le début de l’été 2020, peu importe la façon.

À 2 % près, les Québécois ont tenu leurs intentions de dons manifestées en juin 2020 (78%), malgré la crise. Leurs intentions de dons, toutes formes confondues, pour l’année 2021 sont exceptionnellement hautes : 86%.

Nos deux sondages montrent un net « effet pandémie », avec une hausse marquée de la générosité des Québécois depuis un an (d’environ 50% hors pandémie à 76% aujourd’hui). Ce qui ressemble au modèle constaté en cas de catastrophe avec un afflux de dons ponctuel. Mais, avec une différence très notable : cette générosité philanthropique semble s’inscrire dans le temps, tout comme la pandémie. Et il sera bon de voir si la courbe des dons suit effectivement celle des différentes vagues pandémiques.

Le don en argent augmente significativement : + 11 points (54%) en comparaison du premier semestre, avec une prévalence logique des dons en ligne. Le don moyen monte de façon marquée (+14$ à 203$). Le don de biens matériel reste très populaire. Et le don de denrées alimentaires l’a particulièrement été pendant le temps des Fêtes. Seul le don de temps reste « empêché » par les restrictions sanitaires et sociales.

Côté causes soutenues, le podium reste le même : aide aux personnes démunies, recherche médicale et éducation/jeunesse. Mais, il faut noter le faible pourcentage de dons effectués pour la cause des personnes âgées, qui passe en-dessous de la défense des animaux. On peut s’interroger sur le faible engagement des donateurs pour cette cause qui est pourtant l’un des sujets majeurs mis en lumière durant la pandémie.

22% des donateurs déclarent avoir donné plus aux organismes, pour compenser l’annulation des initiatives philanthropiques : ils ont conscience des difficultés financières des acteurs du secteur philanthropique et la volonté de les soutenir dans cette période difficile.

Pour le futur et pour une société plus juste et inclusive, le secteur philanthropique est considéré comme un acteur majeur (91%), au même titre que le gouvernement (95%), les citoyens (96%) et les entreprises (92%).

La hausse de la générosité des Québécois montre leur conscience des besoins exacerbés et du rôle primordial de notre écosystème de la bonté pour garder la société en équilibre durant cette tempête pandémique. Et ils semblent déterminés à contribuer significativement au bien commun. Conscients de leur propre responsabilité dans la poursuite d’une société plus juste et inclusive, les Québécois semblent vouloir prendre ce rôle à bras le corps, en donnant plus d’eux-mêmes, via les dons philanthropiques. Nous mènerons un autre sondage du même type dans quelques mois, afin de vérifier si cette tendance se confirme et signifie donc une évolution majeure de notre culture philanthropique qui se prolonge au-delà de la COVID-19 et de « l’effet pandémie ».

Consultez l’affiche reprenant les faits saillants du sondage:

Pour mieux comprendre les résultats

En janvier 2021, l’lnstitut Mallet a mené, en collaboration avec la firme Léger, un deuxième sondage pour connaître l’impact de la pandémie de COVID-19 sur les dons philanthropiques des Québécois. Il visait à voir la tendance dans chaque type de don (argent, temps, biens et denrées alimentaires) au second semestre de 2020. Il fait suite à l’instantané pris en juin 2020 qui démontrait la générosité des Québécois durant la première vague de la pandémie et des intentions de dons pour la fin 2020 très prometteuses. Il s’agissait de savoir si celles-ci sont restées des vœux pieux ou si les Québécois se sont effectivement inscrits dans une tendance durable à la générosité.

Générosité des Québécois : un « effet pandémie » qui se confirme

Cliquez sur les infographies pour les agrandir.

Notre sondage montre tout d’abord une nouvelle augmentation du nombre de donateurs : 76% des Québécois ont fait au moins un don à des causes sociales, communautaires ou humanitaires sous quelque forme que ça soit, entre juin et décembre 2020. Ils étaient 50%, selon notre sondage de 2015 et 71% selon celui de juin 2020. La crise de la COVID-19 a donc nettement stimulé la générosité des Québécois et l’« effet pandémie » qui se profilait lors de notre premier coup de sonde se confirme.

Ces chiffres sont d’ailleurs en cohérence avec les très bons résultats des campagnes de levées de fonds annoncés, par exemple, par certains Centraides ou la Guignolée de médias.

Il est intéressant de noter que les intentions de dons se sont globalement concrétisées, malgré la crise, puisqu’en juillet 2020, 78% des répondants prévoyaient de faire un don au second semestre 2020. Leur intention s’est donc matérialisée à 2% près.

Le montant moyen des dons en argent se situe à 203$, soit 14$ de plus qu’au début 2020 (189$). Il est vrai que la pandémie a débuté en mars, soit à la moitié du premier semestre 2020. Il est donc bon de relativiser la hausse du don moyen. Cependant, la durée de la crise sanitaire semble inciter les Québécois à ouvrir de plus en plus grands leurs portefeuilles. On note d’ailleurs que les intentions de dons de notre premier sondage plaçaient le don moyen à 173$. Les Québécois ont donc donné, en moyenne, 30$ de plus que ce qu’ils avaient prévu.

22% des donateurs déclarent également avoir donné plus suite au report ou à l’annulation des initiatives philanthropiques : les Québécois semblent très conscients des difficultés financières auxquelles font face nombre d’organisations philanthropiques.

Ainsi, il apparaît évident que les Québécois reconnaissent par leurs dons le rôle essentiel de notre écosystème de la bonté dans l’équilibre de la société, particulièrement en cette période de crise. Ils reconnaissent également ses difficultés financières actuelles et les énormes besoins auxquels il doit répondre. Et c’est par le don de soi qu’ils ont décidé de le soutenir.

On pouvait penser, suite à notre premier coup de sonde, que l’ « effet pandémie » sur les dons pouvait ressembler au modèle constaté lors d’une catastrophe : c’est-à-dire des dons qui affluent très rapidement, mais avec généralement peu d’engagement et de suivi de la part des donateurs. Cependant, cette seconde augmentation successive et notable du niveau de dons montre un crescendo de générosité des Québécois qui semble, comme la crise de la COVID-19, s’inscrire dans la durée. Il sera pertinent de mesurer si ce mouvement inédit suit la courbe des vagues épidémiques ou s’il se pérennise et constitue alors une véritable évolution de notre culture philanthropique.

Les formes de dons en détails

Un effort d’abord monétaire

En regardant les formes de dons en détails, on note en premier lieu que les Québécois ont donné plus d’argent que dans la première partie de 2020. En effet, le don en argent fait un bon de 11%, passant de 43% à 54%. Avec un don moyen s’élevant à 203$ (contre 189$), la réponse philanthropique des Québécois est d’abord monétaire.

 

Le don d’argent devient donc la forme la plus populaire, devant celui de biens matériels qui reste stable autour de 50%.

Le don de denrées alimentaires augmente lui aussi notablement de 25% à 32%.

Quant au don de temps, il régresse très légèrement : passant de 19% à 16%. Malgré l’élan d’inscriptions sur jebenevole.ca et une nette volonté exprimée par les Québécois de contribuer par le bénévolat, celui-ci reste « empêché » par les très nombreuses restrictions sanitaires et sociales. Par exemple, les 65 ans et plus, habituelle grosse cohorte de bénévoles (en 2018, 26% des bénévoles avaient plus de 65 ans (RABQ, 2018)) ont mis leur bénévolat sur pause en raison des consignes sanitaires. En outre, plusieurs organismes travaillant avec des bénévoles ont cessé leurs activités depuis le premier confinement : sport, culture, loisirs, etc. Ces organismes accueillent plusieurs milliers de bénévoles en temps normal. Ces personnes n’ont tout simplement pas pu faire de bénévolat puisque les organismes où ils avaient l’habitude de s’impliquer n’ont pas repris leurs activités. De plus, les mesures préventives ont limité la capacité d’accueil des bénévoles par les organisations encore actives. Celles-ci ont d’ailleurs fait preuve d’une grande agilité pour adapter leurs pratiques et leurs besoins en bénévoles tout en donnant plus de services. Ainsi, il est quand même rassurant de constater, au regard de tant de restrictions, que plus d’1 Québécois sur 6 continue de donner son temps. Il sera intéressant de voir si la vaccination avançant, le don de temps s’en trouvera libéré.

Le don en ligne : avec et sans surprises

Le don en ligne reste le mode privilégié entre juin et décembre 2020. Ce qui semble logique puisque les contraintes sanitaires favorisent le don « sans contact ». Malgré tout, on remarque que la proportion des dons faits par Internet baisse de 54% à 47%. Dans le même temps, les dons liés à la sollicitation directe d’un bénévole dans un lieu public grimpent de 13% à 24%. Les restrictions moins sévères du deuxième confinement ont quand même permis de renouer un contact direct, non virtuel, avec les donateurs. C’est particulièrement vrai en régions, où ce mode de don atteint 34% : soit autant que leur propre niveau de dons en ligne et deux fois plus que la sollicitation directe à Québec et Montréal (17% et 18%).

La répartition des dons en ligne par âges est assez homogène. Étonnant : les 18-24 ans sont ceux qui ont le moins recouru à cette manière de donner (42%). Quand les 35-54 ans l’utilisaient à 51% et les plus de 55 ans à 46%. En matière de dons, il ne semble pas y a voir de fracture numérique générationnelle.

On peut cependant se poser la question quand il s’agit de la répartition régionale: les données montrent en effet que les Québécois « en régions » n’ont le réflexe du don en ligne qu’à 35%, quand les habitants de Québec et Montréal l’ont à 59% et 55%.

L’effet des Fêtes

La période des Fêtes est traditionnellement synonyme de grande générosité. C’est particulièrement vrai pour 2020 : 85% des donateurs ont fait au moins un don durant le mois de décembre. Ramenée sur tous les répondants, cette proportion se chiffre à 64% : plus de 6 Québécois sur 10 auraient fait un ou plusieurs dons à l’approche des Fêtes.

Le phénomène est particulièrement marqué en ce qui concerne les denrées alimentaires dont 57% des donateurs ont effectué la totalité de leur don en décembre (20% pour l’argent et 21% pour le bénévolat).

Le croisement des chiffres à l’approche et durant les Fêtes montre également que les Québécois (en général) ont exprimé leur générosité en combinant différentes formes de dons. C’est particulièrement net en ce qui concerne les Québécoises.

Les causes soutenues : entre certitudes et interrogation

Le podium des trois causes les plus choisies reste très traditionnel, soit, dans l’ordre, l’aide aux personnes démunies, la recherche médicale, l’enfance/éducation. Ces trois causes voient les dons qui leurs sont consacrés augmenter équitablement, de 8% à 9% chacune : la pandémie révèle les grandes vulnérabilités sociales. Il peut être étonnant, qu’en temps de pandémie, les dons vers la recherche médicale n’aient pas augmenté plus significativement.

Mais, le fait le plus notable se situe au 4è rang du classement des causes soutenues : c’est la défense des animaux (12%) qui attire maintenant plus de dons que la cause des personnes âgées (8%: à égalité avec la protection de l’environnement). Le bien vieillir et la cause des aînés ont pourtant défrayé la chronique et soulevé les indignations. Mais, cela ne se traduit pas dans les dons, au contraire : ils sont en baisse de 3%. Les intentions de dons exprimées à son profit, en juin s’élevaient à 18%. Mais elles ne se sont réalisées qu’à 10% en-dessous.

Si l’on peut avancer que les enjeux des aînés apparaissent sans doute, aux yeux des Québécois, comme relevant plus du gouvernement que de la philanthropie, cela n’explique pas tout. Et il nous faut véritablement nous interroger collectivement sur les raisons de ce paradoxe.

Un regard sur 2021 : l’action vaudra-t-elle l’intention?

Pas moins de 86% des Québécois interrogés ont l’intention de faire au moins un don philanthropique en 2021. Si elle se réalisait, cela constituerait une hausse d’environ 35% comparé aux niveaux constatés avant la pandémie, soit un niveau exceptionnel de générosité des Québécois!

Et toutes les formes de dons devraient en bénéficier. Les intentions exprimées à l’été 2020 ayant été globalement respectées, ces données sont de très bon augure.

En regardant le détail des intentions de dons par cause, on voit que la majorité d’entre-elles devrait recevoir les fruits de cette générosité. Mais, la cause des personnes âgées se maintiendrait à la 5è place du classement, confirmant son recul.

Il est à noter que la génération des 18-24 ans est celle qui prévoit de donner le plus pour la cause des aînés : 25% (13% pour les 25-54 ans et 11% pour les plus de 54 ans).

Globalement, et presque pour toutes les causes, les Québécoises prévoient de donner plus que leurs concitoyens.

Notre prochain sondage permettra de savoir si les Québécois sont constants et cohérents dans la tenue de leurs intentions généreuses.

Pour un Québec plus juste et inclusif : prendre son rôle à bras le corps !

Cohérents dans leurs convictions et dans leurs attentes pour l’avenir, ce sont toujours près de 9 Québécois sur 10 qui jugent les investissements en justice et en équité́ sociale importants dans la relance d’après pandémie. Résultat qui confirme celui du 1er sondage.

En ce qui concerne les investissements pour l’avenir en matière de justice et d’équité, l’attente concerne tous les acteurs de la société (citoyens 96%, gouvernement 95%, entreprises 92%, organisations philanthropiques 91%). À ce titre, notre écosystème de la bonté, dans son ensemble, apparaît pleinement légitime et nécessaire dans la construction d’un Québec plus juste et plus équitable. Et il doit capitaliser sur cette crédibilité et ce soutien des citoyens.

Le rôle des citoyens dans cette relance juste et inclusive sera prépondérant (avec 96% ils passent devant le gouvernement). En l’espèce, les Québécois semblent mettre leurs actes en accord avec leurs attentes et prendre leur rôle à bras le corps en donnant d’eux-mêmes et en faisant preuve d’une grande générosité.

En conclusion

La hausse de la générosité des Québécois montre leur conscience des besoins exacerbés et du rôle primordial de notre écosystème de la bonté pour garder la société en équilibre durant cette tempête pandémique. Et ils semblent déterminés à contribuer significativement au bien commun. Conscients de leur propre responsabilité dans la poursuite d’une société plus juste et inclusive, les Québécois semblent vouloir prendre ce rôle à bras le corps, en donnant plus d’eux-mêmes, via les dons philanthropiques.

Nous mènerons un autre sondage du même type dans quelques mois, afin de vérifier si cette tendance se confirme et signifie donc une évolution majeure de notre culture philanthropique qui perdure au-delà de la COVID-19 et de « l’effet pandémie ».

Note : le terme « les Québécois » pour désigner l’ensemble de la population (quel que soit le genre) est utilisé pour des raisons de clarté du texte pour le lecteur : cela nous permet de distinguer et de souligner la contribution singulière des Québécoises.

Pour tous les résultats en détails, consultez le rapport complet.

Les résultats de ce sondage peuvent inspirer les acteurs vers plusieurs actions. Par exemple:

Comprendre

Analyser les raisons de cette générosité exacerbée;

Comprendre si elle est circonstancielle ou pérenne;

Comprendre les conditions favorables à la pérennisation de cet élan;

Imaginer des mécanismes de soutien et de pérennisation de cet élan;

Analyser les raisons du désintérêt relatif à la cause des personnes âgées;

Mieux comprendre les enjeux du vieillissement et le rôle que jouent (et peuvent jouer) les acteurs du secteur philanthropique en la matière;

Promouvoir

Communiquer collectivement sur les besoins exacerbés, les efforts d’adaptation du secteur philanthropique, sur ses difficultés et ses actions afin de garder les Québécois conscients des besoins;

Communiquer positivement (et idéalement collectivement) sur la générosité des Québécois : remerciements – effets bénéfiques et concrets des dons effectués, etc.;

Être collectivement présents dans les médias et travailler sur la confiance de la population envers le secteur;

Imaginer collectivement une stratégie pour capitaliser et valoriser cette générosité exacerbée;

Communiquer médiatiquement sur les enjeux liés aux vieillissement, sur le rôle des acteurs de la philanthropie dans le mieux vieillir et valoriser ses actions innovantes auprès du public.

 

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