Au début juillet 2020, l’Institut Mallet a mené, en collaboration avec la firme Léger, un sondage pour connaître l’impact de la pandémie de COVID-19 sur les dons philanthropiques des Québécois. Celui-ci visait comprendre la tendance dans chaque forme de don (argent, temps, biens et denrées alimentaires) lors des deux premiers trimestres 2020, à connaître les intentions de dons des Québécois au niveau individuel pour le second semestre de l’année 2020, ainsi que leurs aspirations pour l’avenir.
Notre sondage révèle que la crise sanitaire a clairement stimulé la générosité des Québécois qui ont répondu en grand nombre au besoin de solidarité provoqué par la crise. Cet élan s’est concrétisé par l’augmentation marquée du nombre de donateurs au premier semestre 2020. En effet, 71% des répondants ont fait un don à une cause sociale, communautaire ou humanitaire, sous quelque forme que ce soit, durant cette période. C’était 50% sur toute l’année, lors de notre sondage de 2015.
Les mesures sanitaires, les contraintes du confinement et ses conséquences économiques ont évidemment impacté les dons : tous ceux ne pouvant s’effectuer à distance étant rendus beaucoup moins faciles. Ils ont donc légèrement baissé, mais sans s’écrouler comme on pouvait le craindre. C’est malgré tout le don de biens matériels qui a été le plus populaire (49% des dons) au premier semestre, malgré une légère baisse logique due aux contraintes durant les mois de confinement. C’est le même constat pour les dons de denrées alimentaires qui ont logiquement baissé d’avril à juin. Malgré tout, 1 Québécois sur 4 a effectué ce type de don durant le premier semestre.
La pandémie a eu un certain impact positif sur les dons d’argent, puisque 52% d’entre eux ont été faits entre avril et juin 2020. Ce type de don est le second en importance avec 43% des donateurs. Déjà bien amorcée, la tendance au don en ligne s’est logiquement confirmée pendant le premier semestre 2020 (54% des dons d’argent). Le montant moyen des dons monétaires s’élève à 189$, une faible baisse par rapport aux années précédentes. C’est un signe que malgré les incertitudes économiques, les Québécois ont souhaité contribuer autant que possible au bien commun.
Le confinement strict des aînés (habituellement les plus grands donateurs de temps), la fermeture des organismes, l’annulation d’évènements sportifs ou culturels, les contraintes sanitaires imposées ou la crainte de la contagion ont certes fait légèrement reculer le niveau d’engagement bénévole (19%). Mais au regard des circonstances, le fait qu’1 Québécois sur 5 ait fait du bénévolat montre cette volonté de mettre l’épaule à la roue et d’aider les organisations philanthropiques à répondre à l’urgence.
Malgré les conséquences de plus en plus importante de la crise, notre sondage montre que l’élan de générosité des Québécois se maintiendra dans le temps, puisque 78% des répondants comptent donner à des causes sociales, communautaires ou humanitaires lors des six prochains mois. Cette augmentation est le signe d’une pleine conscience des Québécois de l’augmentation des besoins au fil de la crise et d’une reconnaissance du rôle important des organismes philanthropiques dans la réponse à y apporter.
Toutes les formes de dons devraient bénéficier de cet élan continue de générosité. Le don de biens matériels devrait connaître une nette augmentation (60%) et avoir la préférence des donateurs, particulièrement des générations les plus jeunes (18 à 44 ans). Les dons de denrées alimentaires augmenteront également sensiblement (39%). Le déconfinement et la réouverture des points de collecte permettront des dons plus faciles pour répondre à l’augmentation du nombre de bénéficiaires, notamment dans les banques alimentaires ou les popottes roulantes.
Le don de temps, également moins contraint par les mesures sanitaires, augmentera lui aussi (25%). Ainsi, 1 Québécois sur 4 donnera de son temps bénévolement! En outre, 54% des intentions de donner du temps sont formulées par les 18-24 ans, ce qui confirme la tendance de cette génération à prendre la relève du bénévolat, un phénomène déjà constaté au plus fort de la crise sanitaire.
Si la proportion de Québécois qui comptent faire un don monétaire reste identique qu’au premier semestre (44%), ils débourseront en moyenne 16$. La perte de revenus d’un grand nombre de travailleurs et une certaine inquiétude généralisée face à l’avenir financier et la crise économique qui se profile expliquent probablement cette baisse.
Si la crise amène beaucoup de remises en question, elle n’a pas chamboulé le classement des causes soutenues par les donateurs. C’est l’aide aux plus démunis qui a recueilli le plus de dons depuis le début de l’année (50%). C’est aussi celle à laquelle les Québécois comptent majoritairement donner d’ici la fin de 2020 (57%). La recherche médicale ainsi que l’enfance et de l’éducation complètent le podium des causes préférées pour 2020. Ce sont les causes habituellement privilégiées par les Québécois.
En outre, si la crise de la COVID-19 a agi comme révélateur de problématiques majeures comme la question du bien vieillir ou de notre rapport à l’environnement, ces causes ne se retrouvent qu’assez loin dans le classement des dons. Ainsi, la cause des personnes âgées arrive quatrième avec 11% des dons effectués et 18% des intentions de futurs dons, une augmentation assez limitée. La protection de l’environnement, pourtant identifiée comme prioritaire dans les discours, ne recevra que 13% des intentions de dons au second semestre.
On voit donc, que si la pandémie a révélé des problématiques et fait prendre conscience d’enjeux sociétaux, elle n’a pas modifié les priorités dans les causes privilégiées par les donateurs actuels ou futurs. Celles-ci sont profondément ancrées dans les valeurs de base des Québécois.
Pour l’avenir, dans un contexte de relance après la pandémie, 9 Québécois sur 10 sont d’avis que les investissements en justice et en équité sociale devront être prioritaires (40%) ou importants (49%).
Le gouvernement
Selon la vaste majorité des répondants (90%), c’est le gouvernement qui a joué le rôle le plus important pour assurer que le Québec soit plus juste et équitable durant la pandémie. C’est bien logique puisque que les gouvernements sont intervenus dans tous les domaines pour garder le bateau à flots. La marque de confiance démontrée pendant le début de la crise n’est pas pour s’essouffler. En effet, ce sont 95% des répondants qui pensent que le gouvernement devra jouer une plutôt important ou très important afin de s’assurer que le Québec soit plus juste et équitable. Le gouvernement est attendu par les citoyens pour reprendre la main et assurer sa mission de garant de justice et d’équité sociale.
Les entreprises
Le regard sur le rôle des entreprises dans l’atteinte de ces objectifs est éloquent. Seulement 71% des répondants ont jugé leur rôle important durant le premier semestre et le confinement. Fermées, paralysées, elles n’ont visiblement pas pu jouer un rôle de premier plan aux yeux des Québécois. Cependant, en regardant l’avenir, 92% d’entre eux estime le rôle des entreprises important pour que le Québec de demain soit le plus juste et le plus équitable possible. Ce qui démontre le désir des Québécois de voir les entreprises prendre à bras le corps un rôle social au sein de la communauté et pas seulement un rôle économique.
Les citoyens
La responsabilité des citoyens à aider son prochain est jugée essentielle. Pour l’avenir vers un Québec plus juste et plus équitable, chacun aura une responsabilité et un rôle important à jouer selon 94% des répondants. C’est le signe que les changements sociétaux ne sont pas vus seulement du ressort des institutions, mais que l’engagement citoyen dans cette voie est primordiale.
Les organismes philanthropiques
Très actifs sur le front de la crise sociale, les organismes philanthropiques sont apparus importants durant le plus fort de la crise pour 83% des répondants. C’est principalement en répondant aux besoins d’urgence comme la sécurité alimentaire ou l’aide aux plus vulnérables que le secteur a montré son importance. Mais, les Québécois attendent encore plus d’eux pour l’après et pour l’évolution vers une société plus juste et équitable (89%). 51% des répondants les jugent même très importants. S’il a été identifié comme important dans la réponses à l’urgence durant le premier semestre, le secteur philanthropique est également identifié comme ayant un rôle transformatif à jouer pour que la société tende vers plus d’équité et de justice sociale.
La crise liée à la COVID-19 et au confinement a clairement fait se lever un élan de générosité chez les Québécois, qui ont, dès le début de pandémie, manifesté des intentions supérieures d’engagement et de don philanthropique.
Empêchés par de nombreuses restrictions rendant notamment le don de temps ou de biens plus difficiles, le niveau de dons a légèrement reculé, mais sans s’écrouler comme on pouvait le craindre au départ. La solidarité et la volonté de contribuer ont été plus fortes que les contraintes. Les Québécois, centrés sur les valeurs de base, ont trouvé des solutions pour contribuer au bien commun et le feront d’autant plus quand les restrictions seront moins fortes.
La crise a mis sous les feux de l’attention le rôle primordial de l’engagement citoyen, des dons et des organismes philanthropiques pour le maintien de l’équilibre social. On ne peut que se réjouir que le réflexe face à la crise soit la solidarité et la volonté de contribuer. La vaste majorité des Québécois interrogés dans notre sondage s’est d’ailleurs prononcée pour un Québec plus juste et plus équitable, avec une véritable attente exprimée envers certains acteurs, notamment les entreprises, à faire davantage pour atteindre cet objectif sociétal.
Notre sondage montre également une certaine volonté des Québécois de donner plus d’ici la fin 2020. L’évolution des contraintes liées à la COVID-19 détermineront en partie la concrétisation de cette intention.
L’Institut Mallet mènera, en fin d’année 2020, un autre sondage afin de le valider et de mesurer si le don de soi reste fortement contraint par les circonstances sanitaires. Il s’agira également de constater si cette crise sans précédent aura été propice à l’accroissement de la culture philanthropique et au développement d’un projet de société plus solidaire et inclusive.
Consultez le rapport complet du sondage.