Le 15 novembre prochain sera la Journée nationale de la philanthropie. Même si elle existe depuis 1986, elle passe généralement sous silence. Après tout, la philanthropie est discrète. Mais cette année, il faudrait y penser plus activement, parce que pour se relever de la pandémie, la contribution des philanthropes, autant ceux qui font don d’argent que don de temps, sera essentielle.
La philanthropie est ce geste généreux qui prolonge le filet social. Là où l’État ne va pas ou pas assez, des organismes du milieu vont aller, grâce à des dons et des aides d’autres natures. De la pauvreté aux arts, de l’éducation au sport amateur, en passant par l’environnement et la recherche médicale, la philanthropie est de toutes les causes. C’est notre écosystème de la bonté.
Des millions en moins pour les organismes d’entraide
Mais la crise vient bouleverser cet univers aussi. Avec le confinement du printemps, et l’interdiction des rassemblements, des milliers d’événements de financement, de soirées-bénéfice, de bals philanthropiques, de bingos au profit de bonnes œuvres n’ont pas eu lieu. Conséquemment, des dizaines de millions de dollars n’ont pas été donnés à des centaines d’organismes, qui se retrouvent à leur tour en crise, tout en étant confrontés à une forte hausse des demandes d’aide. Même si individuellement, les Québécois ont donné plus en 2020, comme le révélait cet été un sondage Léger réalisé pour l’Institut Mallet, ces élans de particuliers ne suffisent pas à compenser l’énorme manque à gagner de tous les grands événements de financement annulés.
Il y a donc une crise de la philanthropie causée en partie parce que les donateurs habituels n’ont pas pu donner. Il s’agit surtout de contributions d’entreprises. Nous invitons le gouvernement à mettre en place des solutions pour débloquer ces dons afin de stabiliser la situation des organismes d’entraide et permettre à l’écosystème philanthropique de jouer son rôle.
De nouveaux partenariats pour reconstruire ensemble
En temps normal, nous reconnaissons que l’État, aussi bienveillante que soit sa politique, ne peut pas tout faire. La communauté prend ainsi le relais avec la philanthropie. Ce sera encore plus vrai dans les mois à venir. L’État qui a beaucoup fait pour amortir le choc ne pourra pas tout reconstruire. Il faudra un effort général pour faire le Québec de l’après-COVID que beaucoup voudraient plus vert, plus orienté vers l’achat local, plus conscient des enjeux de santé (et de santé mentale), plus solidaire.
Cette nouvelle économie, cette nouvelle vie de quartier, cette nouvelle conscience environnementale et sociale, tout cela s’incarnera dans une multitude de projets innovants, et de changements dans les façons de faire, de produire, de consommer. De nouveaux partenariats devront se forger entre l’État, les entreprises, les citoyens et les organismes du milieu.
La philanthropie de l’entraide, que nous connaissons depuis toujours, continuera d’aider les nombreuses personnes dans le besoin et s’avancera davantage sous les projecteurs pour devenir aussi une philanthropie de reconstruction. Nous invitons là encore le gouvernement à réfléchir à des moyens d’encourager cette action philanthropique au bénéfice de la reconstruction (pensons, par exemple, à une adaptation des Bons de la Victoirequi avaient contribué au financement de l’effort de guerre).
La crise vient accélérer des tendances. Elle force des adaptations qui, lorsqu’elles réussissent, peuvent devenir des innovations. C’est vrai dans plusieurs domaines et aussi en philanthropie. Avant la pandémie, l’Institut Mallet, qui a pour but de réfléchir à la philanthropie et de promouvoir le don sous toutes ses formes, voyait venir son sommet de juin 2020 (repoussé à l’automne 2021) comme un moment d’intenses discussions. Les leçons de la crise sanitaire s’ajouteront au menu.
Cette crise aura une issue grâce à des thérapies efficaces ou à un vaccin. Mais le traitement ne sera pas magique. Nous nous tiendrons plus proches, sans masque, oui, mais devant un énorme boulot de reconstruction, voire de reconceptionde la société et de l’économie. Il faut y penser maintenant et imaginer rapidement les nouveaux partenariats, incluant une philanthropie transformatrice, qui permettront à tous de mettre l’épaule à la roue.
Jean M. Gagné,
Président